Mon couteau a une lame large, d’une forme triangulaire. Elle est en inox, elle est brillante. Son tranchant est très finement aiguisé. Simplement en la caressant, on peut se couper, sans ressentir la moindre douleur. Mon couteau est fabriqué à Thiers, par une coutellerie qui existe depuis cinq siècles ! Thiers est la capitale de la coutellerie. On vient du monde entier acheter des couteaux dans cette ville d’Auvergne.
Mon couteau est spécialement conçu pour la cuisine, pour émincer minutieusement cucurbitacées et ombellifères. En plaçant correctement ses doigts, repliés sur le légume pour ne pas se blesser, on détaille en juliennes uniformes ou brunoises précises courgettes ou carottes. Mais il convient très bien, aussi, pour découper en fines tranches régulières un rôti de bœuf rosé.
Je suis particulièrement fière de mon achat. J’ai choisi l’ustensile avec méticulosité. J’ai questionné le vendeur en indiquant l’usage que je visais. Il m’a présenté plusieurs modèles, dont certains fabriqués en Chine. Je désirais, pour ma part, qu’il provienne de France. Nous avons donc sélectionné ceux correspondant à ce critère, et écarté les autres.
Je souhaitais que le manche soit en bois, avec des rivets en acier. Le côté artisanal du produit me séduisait. Le commerçant m’a convaincue de l’intérêt d’un couteau forgé monobloc — lame, mitre, garde et soie d’un seul tenant — pour sa qualité et son hygiène. Conçu ainsi, il ne peut pas s’engager de petits déchets dans les interstices entre acier et bois. Et, comme cela m’a été expliqué, je peux laver mon couteau, après son utilisation, simplement à l’eau chaude, et le sécher, pour le ranger immédiatement, car le filet de la lame est très fragile. J’ai donc opté pour un modèle presque professionnel, vendu avec un étui en cuir.
Mon amant me fait très bien l’amour. Nos corps s’imbriquent merveilleusement bien. Sa peau est douce. Je me livre sans aucune retenue à lui, car il sait être rassurant. C’est sa grande qualité. Son principal défaut est qu’il n’arrive pas à se décider à quitter sa femme. Cela me met très en colère.
Mon amant et mon couteau sont très beaux. Je les regarde pendant que j’attends au téléphone que l’on me passe quelqu’un. Je ne vois pas très bien la lame de mon couteau, car elle est aux deux tiers enfoncée dans le cœur de mon amant.
Réécrit le 24 janvier 2023